Peu
de nouveautés ont été un réel coup de cœur ces derniers temps, aussi je me
permets de parler d’un titre pas tout jeune mais véritablement percutant. Cela
faisait longtemps que je voulais vous le faire découvrir, mais il m’a fallu
longtemps avant de trouver les bons mots pour le faire.
Nagisa
est une jeune collégienne déjà désabusée de la vie. Vivant avec sa mère et son
grand frère souffrant apparemment d’agoraphobie, son seul souhait est d’entrer
dans l’armée une fois le collège terminé pour s’endurcir et mieux supporter la
vie. Mais voilà qu’un jour arrive dans sa classe Mokuzu Umino, la fille d’un
célèbre chanteur. Tout pourrait se passer pour le mieux, sauf que Mokuzu est
inconstante, ne cesse de raconter des mensonges comme le fait qu’elle est une
sirène et qu’une grande tempête va se lever, comme celle qui a tué le père de
Nagisa dix ans auparavant. Manque de chance pour notre héroïne qui n’aspire qu’à
la tranquillité, Mokuzu tente par tous les moyens de devenir son amie, l’entrainant
à sa suite dans les méandres les plus sombres de l’âme humaine. Car si Mokuzu
semble n’être qu’une belle menteuse, elle est en réalité une enfant écorchée
par la vie, rejetée par son père et inventant des histoires pour tenter de ne
plus souffrir.
Je
ne vous détaillerai pas plus l’histoire, car elle ne fait que deux tomes et je
ne voudrais surtout pas vous spoiler. Le récit prend aux tripes comme peu de
récits savent le faire, nous obligeant à réfléchir sur une société de plus en
plus égoïste qui ferme les yeux face aux souffrances des enfants. Le manga est
un véritable appel à l’action avant qu’il ne soit trop tard, et tente de mettre
les adultes face à leurs responsabilités, là où les deux héroïnes se retrouvent
sans soutien face à la cruauté d’un adulte. C’est également un témoignage
vibrant sur la perte de l’innocence, la transition difficile de l’adolescent
vers l’âge adulte, et le gâchis fait lorsque cette transition survient dans des
conditions terribles et peut-être trop tôt. Doit-on accuser l’enfant ou au contraire
comprendre ce qui l’a mené à devenir violent, a-t-on tous en nous une part
sombre et tourmentée qui peut exploser à tout moment ? Ou alors le pire
aurait-il pu être évité si un adulte avait pu, avait voulu intervenir ?
Cette
critique de la société est particulièrement bien menée, surtout dans l’exemple
qui va suivre. En effet, un professeur va accabler le frère de Nagisa devant
elle, le traitant en gros de parasite sans chercher à comprendre pourquoi ce
jeune homme est devenu agoraphobe, alors que lui-même ne fait rien face aux
blessures apparentes de la petite Mokuzu que tous savent battu par son célèbre
chanteur de père.
Le
dessin est soigné et la narration parfaitement menée, nous laissant un
sentiment de malaise, de culpabilité même, et surtout d’impuissance. Les
personnages sont profonds et le lecteur saura s’attacher facilement à eux. Il
saura les aimer, il saura les haïr, mais il saura surtout se retrouver un peu dans
ceux qui gardent en eux une lueur d’humanité.
A lollypop or a bullet est un manga tiré d’un roman de Kazuki Sakuraba et mis en
image par Iqura Sugimoto. Il est disponible aux éditions Glénat en deux tomes,
au prix de 7 euros 60.
Resha Heart |